Après une semaine de panique, que c’est-il vraiment passé avec SVB ?
Temps de lecture estimé : 8 minutes - Rédigé le 18 mars par Arthur Derderian.
📌 8 mars 2023. Dès les premières heures du jour, les conversations WhatsApp des acteurs de l’écosystème start-up s’activent avec un rythme inhabituel. S’ensuivent celles des acteurs de la finance mondiale… qui insufflent un vent de panique sur l’économie à travers le globe.
Mais que vient il vraiment de se passer ? Silicon Valley Bank, Crédit Suisse, décisions de la FDIC, de la BCE… On vous explique tout.
Silicon Valley Bank, un déclencheur détonant
Qu’est-ce que Silicon Valley Bank (SVB) ?
SVB est une banque californienne domiciliée dans la Silicon Valley, spécialisée dans l’écosystème start-up / tech. Début 2023, la banque possède sous gestion près de 189 milliards de dollars, faisant d’elle la 16 ème plus grosse banque américaine. Ses clients regroupent pas moins de 10 000 start-up (soit 50% du marché US) et environ 100 fonds d’investissement tous aussi réputés les uns que les autres. Une banque donc très particulière, agissant en qualité de hub central de la Silicon Valley ! Un lieu iconique pour l’organisation de nombreux évènements et hautement plébiscité par tous les plus grands fonds d’investissement et les start-up les plus renommées.
Quelles start-ups domiciliées chez SVB ?
Circle pour 3,3 milliards de dollars
Roku pour 487 millions de dollars
BlockFi pour 227 millions de dollars
Roblox pour 150 millions de dollars
iRhythm pour 55 millions de dollars
…
La structure de SVB :
SVB est du fait de son activité, structuré de façon exotique. En effet, les banques traditionnelles gagnent leur argent principalement par l’intermédiaire de crédits et grâce aux placements de l’argent de ses épargnants. La SVB, quant à elle, ne propose que très peu de crédits et dispose d’énormément de liquidité par rapport aux structures traditionnelles (189 milliards de $), du fait que ses clients soient extrêmement financés par des fonds de VCs depuis 2008 (suite à la baisse des taux) et qu’elle soit ainsi amenée à prendre bien plus de risques que ses semblables du fait de sa spécificité start-up. De ce fait, la banque fait rapidement le choix de se rémunérer et d’assurer ses ratios de liquidité majoritairement au travers d’obligations d’État (produit peu risqué).
🧠 Qu’est-ce qu’un ratio de liquidité ? Un ratio de liquidité est une relation entre les actifs et les passifs d’une entité. Pour les banques, il s’agit du pourcentage de liquidité qu’elle doit posséder en propre pour répondre à l’éventuelle demande des clients. Ce ratio est en général compris entre 10 et 30% des fonds propres. Mais aux US, pour les banques détenant moins de 250 milliards de fonds propres, ce ratio est aménagé. Ce qui est le cas de SVB.
Les faits :
→ Fin 2022, suite à l’incertitude de l’écosystème économique, le financement en capitale risque se tend et les start-up sont obligées de réduire leurs coûts.
→ 1 février 2023 la Federal Reserve Board (FED) augmente son taux directeur de 0,25% pour qu’il atteigne les 4,75%
→ 28 février 2023 la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) délivre un communiqué reconnaissant que la hausse des taux et l’émission de bons du trésor étasunien à 5% diminuent la valeur des ratios de liquidité des banques. Elle appelle ces dernières à trouver des moyens pour retrouver leur ratio légal et ne surtout pas vendre les bons à 2% pour ne pas réaliser la perte.
→ Mercredi 8 mars, le CEO de SVB annonce à ses actionnaires ne pas disposer de suffisamment de liquidités pour assurer ses ratios de liquidité, et donc la demande future de cash de la part de ses clients.
Cette annonce fait suite aux trois évènements précédents :
Du fait de sa structure, SVB disposait auparavant de 91 milliards en dette US rémunérés à 2% sur 10 ans. Cependant, fin 2022, le trésor étasunien émet de nouveaux bons du trésor valorisés à 5% sur 10 ans. Un évènement entraînant des impacts importants : les bons valorisés à 2% perdent de la valeur, ce qui diminue alors celle des capitaux propre de nombreux acteurs, dont SVB. Ainsi, le ratio de liquidité n’est plus atteint et la banque est contrainte à se refinancer.
Le CEO décide donc de vendre une partie des bons à 2% (à contrecourant des conseils de la FDIC), ce qui génère une perte de 1,8 milliard de dollars. Suite à cela, il annonce dans la foulée une augmentation du capital de 2,25 milliards de dollars.
Cette augmentation fait suite à une contraction du marché du venture capital, obligeant les start-up à faire appel à leur réserve pour financer leur développement futur. Ainsi, une majorité des clients de SVB souhaitent retirer plus de liquidités que prévu par la banque.
→ Jeudi 9 et vendredi 10 mars, des centaines de messages de panique sont envoyées sur les groupes WhatsApp des investisseurs puis des entrepreneurs, pour les inciter à récupérer leur fonds de SVB et de les placer dans d’autres banques plus traditionnelles. Ce mouvement fait craindre un terrible bank run.
🧠 Un bank run est un mouvement significatif de retrait de la monnaie d’un système bancaire. Il est souvent lié à une perte de confiance envers une banque ou un système monétaire.
→ Vendredi 10 mars, pour éviter un bank run, la FDIC décide de fermer pour le week-end SVB et demande à Goldman Sachs de recapitaliser la banque siliconienne. Goldman Sachs avoue ne pas être en mesure de le faire, ce qui attise la crainte dans le système bancaire.
À ce moment précis, la seule certitude des clients en SVB est de pouvoir récupérer au maximum 250 000$.
🧠 Assurance dépôt : chaque banque doit placer de l’argent auprès de sa banque centrale pour que celle-ci puisse garantir un maximum 250 000$ par client en cas de faillite.
→ Durant le week-end, SVB aux coté de FDIC cherche un repreneur afin d’éviter un run systémique et des faillites en chaîne.
🧠 Le risque systémique est une expression née de la structure des banques. En effet, chaque banque détient des produits d’une autre, les interconnectant ainsi logiquement. SVB étant uniquement une banque de dépôt, ses fonds sont domiciliés dans une autre banque ayant l’accréditation placement.
→ Lundi 13, HSBC Holdings annonce racheter SVB UK pour 1$ symbolique, à la demande du gouvernement anglais et la FDIC annonce à son tour garantir à 100/100 les fonds de SVB Globale. Cette annonce a vocation à rassurer les clients de SVB la veille d’un jour crucial.
→ Mardi 14, les start-ups américaines doivent payer les salaires de leurs employés, comme toutes les deux semaines. Toutefois, toutes les entreprises ayant SVB comme unique banque ne peuvent répondre à leur obligation. Et si elles ont une masse salariale supérieure aux 250 000$ de garantie, beaucoup craignent de ne pas pouvoir payer les salaires au 31 mars...
🧠 Aux États-Unis si une entreprise ne paye pas ses salariés deux fois de suite, donc durant 31 jours, elle se voit mise en liquidation judiciaire.
Dans la peur de voir leur start-up fermée, les CEOs et CFOs de la Silicon Valley se lancent à la recherche de liquidité. Les banques ayant peur de prêter de l’argent (en cas de besoin de liquidité) et les investisseurs étant frileux à les recapitaliser (du fait de l’incertitude). De nombreuses start-ups décident de vendre à rabais (30 à 40% de la valeur réelle de) leurs tickets de garantie FDIC (pour les comptes ayant plus de 250 000$), auprès de hedge funds. Cette stratégie de survie devrait leur permettre de ne pas lancer de plans massifs de licenciement dans les prochains jours, mais au coût d’une partie de leur précédente levée.
→ Mardi 14, la FDIC étant dans l’impasse pour la recapitalisation de SVB. Cette première annonce accepter toutes les offres de rachat jusqu’au 17 mars, pour décider d’un repreneur avant le lundi 20. La FDIC envisage de conserver certain bons du trésor afin de facilité la vente de SVB. Ainsi, elle réaffirme que son objectif est la remise en route de la structure.
→ Mercredi 15, la panique fait réaliser par les marchés que le Crédit Suisse est déficitaire de 7,3 milliards de francs suisses depuis 2022.
→ Jeudi 16, pour calmer les marchés et la panique ambiante, la Banque Centrale Suisse décide de donner 50,67 milliards d’euros au Crédit Suisse pour raviver la confiance.
En parallèle, toute la semaine, les représentants de la finance mondiale ont rappelé qu’on devait avoir confiance dans le système financer et qu’il était extrêmement solide. Ce qui nous rappelle que la monnaie est uniquement fondée sur la confiance depuis que R. Reagan s’est vu obligé de désindexer le dollar du cours de l’or.
💡 Quelles grandes leçons à tirer de cet évènement :
Il est impératif de toujours diversifier ses banques / placements pour limiter son risque. Il est conseillé de ne pas laisser dans une banque un montant supérieur à ce que la banque centrale peut garantir.
Le système monétaire et financier est uniquement fondé sur la confiance, il faut donc toujours garder la tête froide et ne pas se laisser embarquer par les mouvements de panique.
Il faut penser en terme de conséquences positives et négatives des politiques monétaires. Cette hausse des taux impliquait effectivement un coût de l’argent plus élevé, mais aussi une diminution de la valeur des obligations et autres produits au taux fixes.